Trois missions portant sur la création de foncières pour l’État viennent d’être lancées et rendront leurs conclusions au ministre de l’Action et des Comptes publiques courant mai. La directrice de l’immobilier de l’État explique à Acteurs publics ce qui va changer pour les ministères et les agents.

 

La politique immobilière de l’État fait partie, depuis le 29 octobre dernier*, des chantiers transversaux de la transformation publique. Pourquoi maintenant ?

Quand le programme Action publique 2022 a été lancé, en 2017, il a alors été jugé prématuré de s’intéresser au volet immobilier, notamment parce que la création de la direction de l’immobilier de l’État (DIE) était toute récente. Le dernier CITP [comité interministériel de la transformation publique, ndlr] marque donc un tournant avec l’institution de ce volet immobilier. Celui-ci comporte notamment le lancement de 3 missions portant sur la création de foncières pour l’État. Pour moi qui ai pris mes fonctions il y a quelques mois, c’est une véritable chance de pouvoir conduire un tel chantier.

Cela signifie-t-il un changement de doctrine dans la politique immobilière de l’État ?

Les chefs de mission viennent d’être nommés par Gérald Darmanin, le ministre de l’Action et des Comptes publics. Ils rendront leur copie courant mai. Les décisions qui seront alors prises conduiront la DIE à définir une nouvelle feuille de route pour les trois ans à venir, et à mettre en place les outils permettant de la concrétiser.
Ce qui est important et nouveau, c’est la volonté politique de faire de l’immobilier de l’État un levier de la transformation de l’action publique. L’une des priorités est de décliner la politique immobilière de l’État sur les territoires, puisque c’est là que se trouve l’essentiel nos emprises. Les services publics doivent être plus présents dans les villes moyennes. Ce maillage de proximité touche à l’organisation de l’État et la DIE est là en soutien. Nous avons la capacité de dire qu’à tel endroit, il est possible de mutualiser des bâtiments, qu’ailleurs, nous disposons de bureaux pour installer un service… L’immobilier va contribuer à la mise en œuvre de la nouvelle carte de l’organisation de l’État sur le territoire quand elle sera définie. Nos équipes auprès des préfets travaillent déjà sur ces possibles futures implantations.

Quels sont les axes de ces missions “foncières” ?

Depuis 2007, nous avons fait d’énormes progrès sur la connaissance de notre patrimoine immobilier (99 millions de mètres carrés de surfaces bâties occupées) et sur notre capacité à le gérer collectivement, mais il nous manque encore des outils, d’où les 3 missions thématiques. La première, pilotée par Jean-Marc Delion, doit nous permettre de sortir du “tout-cession” afin de réfléchir à de nouvelles façons d’utiliser nos emprises quand nous n’en avons plus besoin, temporairement ou définitivement. Quand un ministère nous dit : “je n’ai plus besoin de tel bâtiment”, aujourd’hui, le réflexe est de vouloir le vendre alors qu’il peut y avoir d’autres manières de le valoriser. Par exemple : poser des panneaux photovoltaïques sur des terrains militaires contribue à les valoriser. Ce qui relève aujourd’hui de l’expérimentation doit être élargi. La recherche d’une alternative à la cession est un vrai changement culturel pour les équipes de la DIE et du réseau de la direction générale des finances publiques.

"La création de foncières spécialisées est clairement sur la table."

 

La création de foncières publiques est-elle taboue ?

Non, il ne faut rien s’interdire. La création de foncières spécialisées est clairement sur la table. Je note que les collectivités territoriales le font. L’État l’a fait aussi avec la Sovafim, qui a notamment permis de réaliser l’opération immobilière Ségur-Fontenoy, à Paris, pour regrouper les services du Premier ministre. Mais si l’État décide de transférer des emprises à une foncière, il devra en tirer des revenus pour entretenir le parc immobilier car de ce côté-là, les ressources restent insuffisantes.

La deuxième mission concerne davantage la présence des services sur l’ensemble des territoires…

Cette autre mission, confiée à Emmanuel Amigues, va se pencher sur les cités administratives ou les sites multi-occupants, c’est-à-dire ceux qui accueillent plus de deux services. L’idée est de mettre en place une sorte de syndic, comme un syndic de copropriété, car c’est toujours difficile quand un service gère pour les autres. Le chantier de rénovation des cités administratives qui est en cours est très ambitieux : il s’élève à 1 milliard d’euros sur cinq ans pour 56 cités administratives. Il va permettre de réduire la consommation d’énergie de ces bâtiments, contribuant ainsi à la transition écologique. Il est hors de question, au moment où vont être livrés des locaux refaits à neuf, de repartir sur d’anciens modes de gestion peu performants. Enfin, la troisième mission, que dirige Florence Gérard-Chalet, porte sur le logement des fonctionnaires. Cette question est à la fois un dispositif d’accompagnement de la réforme de l’organisation territoriale de l’État et une contribution à la marque employeur de l’État.

Pour les postes de travail, pourquoi est-il si difficile de respecter le ratio de 12 mètres carrés par agent ?

Lorsque l’on réduit les effectifs, notamment dans les territoires, dans certains services, le ratio de 12 mètres carrés est encore plus difficile à atteindre, car il n’est pas toujours facile de se séparer d’implantations… Ce ratio n’est plus nécessairement le bon. Désormais, il faut surtout réfléchir aux nouveaux modes de travail. Nous travaillons d’ailleurs avec la DITP, la Dinsic et la DGAFP [les directions interministérielles de la transformation publique et du numérique et la direction générale de l’administration et de la fonction publique, ndlr] sur les nouveaux espaces de travail. Un poste fixe par agent n’est plus forcément la bonne solution, il faut penser flex office, lieu de coworking, télétravail… Nous avons rendez-vous avec nos partenaires ministériels le 12 avril pour leur présenter notre offre de services.

Pourquoi abandonner la pratique des loyers budgétaires instaurée il y a dix ans pour les ministères ?

Ce qui est abandonné, c’est la machine infernale de la facturation qui avait été créée, occasionnant des milliers de mouvements comptables. La valeur du loyer n’est pas abandonnée. Chaque occupant continue de connaître la valeur locative de ses locaux. En revanche, nous travaillons à l’élaboration d’un nouveau mécanisme d’intéressement à une gestion immobilière performante.

Propos recueillis par Bruno Botella

* Date du dernier comité interministériel de la transformation publique (CITP).